NilL' ampleur des crues du Nil variait énormément d'une année à l'autre. Lorsque les crues étaient très faibles, il pouvait y avoir de sérieuses pénuries de vivres mais des crues excessives pouvaient entraîner des dégâts catastrophiques aux villages et aux champs. En outre, les inondations arrivaient parfois trop tôt ou trop tard, et les eaux de crue risquaient de ne pas se retirer avant le début normal des semis. Une inondation de courte durée signifiait que l'eau redescendait trop précipitamment pour qu'on eût le temps d'en amener suffisamment aux champs avant le moment de semer. La situation devenait particulièrement critique si de « mauvaises » crues survenaient plusieurs années de suite. Il y avait des périodes où les crues faibles et fortes alternaient tous les ans, perturbant gravement le calendrier des semailles et des moissons. D'autre part, la répétition de crues faibles entraînait l'ensablement des grands canaux et la disparition de nombreuses branches du delta.

Les documents anciens sont peu abondants mais ceux qui concernent le nilomètre (jauge des crues du Nil) de Roda, près du Caire, et qui couvrent ces treize derniers siècles, indiquent que, du début du Xe jusqu'à la fin du XIVe, les crues étaient toujours extrêmement fluctuantes, et que les périodes 930-1070 et 1180-1350 furent marquées par de graves sécheresses ; celles-ci s'accompagnaient d'épidémies de peste ainsi que de troubles sociaux, et nous savons que certaines gens ont même été jusqu'à pratiquer le cannibalisme. Aussi existe-t-il une théorie selon laquelle les faibles crues auraient contribué au déclin de l'Ancien Empire.

Bien qu'Osiris présidât à la crue annuelle, le dieu le plus souvent associé au fleuve lui-même était Hapy, représenté sous forme humaine, avec un ventre proéminent et des pectoraux flasques. Cette corpulence incarnait les bienfaits du Nil, dont les eaux coulaient pour nourrir l'Égypte. Des hymnes au Nil évoquent sa bonté, célèbrent sa venue et pleurent les souffrances de l'Égypte lorsque les crues font défaut. L'inondation était rituellement accueillie par des actions de grâces et des réjouissances en l'honneur d'Hapy, sa divinité protectrice. Le dieu est représenté avec un plant de papyrus, autre symbole des bienfaits du Nil, poussant sur le sommet de son crâne.

Le Nil était le fleuve des forces créatrices. On croyait que sa source se trouvait dans le monde inférieur, où elle alimentait un fleuve souterrain. De ce monde inférieur, elle jaillissait à la surface entre les rochers de granit de la première cataracte, près d'Éléphantine, dans l'extrême sud. En tant que cause première de la fertilité de l'Égypte, la source (présumée) du Nil était associée au dieu créateur Khnoum, à tête de bélier : avec la boue du Nil, il aurait façonné les êtres humains sur un tour de potier. Satis, l'épouse de Khnoum (dans le Sud), et sa compagne Anouket étaient révérées comme dispensatrices des eaux fraîches. Satis était souvent représentée en train de verser de l'eau sur la terre pour lui insuffler la vie. Contrairement à Khnoum, elle avait forme humaine et elle était coiffée de la couronne de Haute-Égypte, ornée de deux cornes de gazelle. Les créatures du Nil telles que l'hippopotame, le crocodile et les poissons étaient vénérées comme des dieux de la fertilité. Heket, la grenouille, l'était comme déesse de l'accouchement, de même que la déesse-hippopotame Touéris. Dans le mythe d'Isis et d'Osiris, Heket aurait aidé Iris à ramener à la vie Osiris assassiné, le temps d'enfanter le dieu Horus.