A quelques kilomètres au nord de Louxor se trouve le site de Karnak, le plus grandiose et le plus complexe des ensembles religieux de l'Égypte ancienne. Il est composé de trois zones, ou enceintes sacrées, où furent élevés les temples dédiés à Montou, à l'origine une divinité guerrière, à Amon, le roi des dieux, et à la déesse Mout qui, avec ce dernier, son époux, et leur fils Khonsou, formait la triade thébaine. La partie principale est le grand temple d'Amon, probablement commencé dès le Moyen Empire et qui atteignit des dimensions impressionnantes à la XVIIIe dynastie. Presque tous les pharaons ont voulu l'agrandir et l'embellir en détruisant certaines parties ou en réemployant diverses structures précédentes ; le résultat est donc une architecture extrêmement complexe avec un édifice qui se compose de quatre cours, dix pylônes, un lac sacré et beaucoup d'autres monuments. Le dernier souverain qui y fit faire des travaux importants et auquel on doit l'aspect actuel du monument est Nectanébo Ier, de la XXXe dynastie : c'est lui qui fit bâtir l'énorme premier pylône et placer les sphinx criocéphales (le bélier était un animal sacré d'Amon) le long du dromos qui mène, encore aujourd'hui, au temple. Celui-ci est orienté est-ouest et nord-sud; la ligne est-ouest, avec les quatre premiers pylônes, suivait la trajectoire du soleil : c'était l'axe solaire et céleste. La ligne nord-sud, avec les 8e, 9e et 10e pylônes, était parallèle au Nil, c'était l'axe réel ou terrestre. En franchissant le pylône de Nectanébo, on accède à la première cour où Séthi II et Ramsès III firent construire deux chapelles reposoirs pour les barques sacrées ; à l'époque, elles étaient à l'extérieur du temple.

Temple de Karnak

Le côté oriental de la première cour est délimité par le deuxième pylône, dont la porte est flanquée de plusieurs grandes statues de Ramsès II : la plus imposante, au nord, a d'ailleurs été usurpée par le roi Pinedjem Ier (XXIe dynastie, 1054-1032 av. J.-C.). Ensuite, on pénètre dans la partie la plus impressionnante du temple, la grande salle hypostyle, avec ses 134 énormes colonnes de plus de 20 mètres de haut symbolisant l'océan primordial. Sa construction a demandé environ un siècle; elle a été entreprise par Séthi Ier, continuée par Ramsès II et achevée par ses successeurs. Le troisième pylône, bâti par Aménophis III, conduit à un point bien particulier. C'est là que se croisent les axes sacrés du monde, le céleste et le terrestre, et cette rencontre est marquée par la présence de 4 obélisques élevés par Thoutmosis ler et Thoutmosis II. Il ne reste plus que celui de Thoutmosis Ier. Entre les 4e et 5e pylônes (datant de Thoutmosis ler), trouve un vestibule transversal, appel primitivement ouadjit ("la verdoyante") et décoré de grandes colonnes: c'est là que la reine Hatchepsout érigea ses deux obélisques, dont un seul est en place.

Une fois franchi le 6e pylône, on atteint la chapelle construite par Philippe Arrhidée (323-317 av. J.-C.), demi-frère d'Alexandre le Grand, et on entre dans la grande cour du Moyen Empire, longée à l'est par l'Akhmenou, un édifice construit par Thoutmosis III et dans lequel ont été aménagés la grandiose "salle des Fêtes" et ce que l'on appelle le "Jardin botanique". Ce dernier est un ensemble de salles secrètes, essentiellement décorées de bas-reliefs reproduisant des plantes et des animaux imaginaires ou exotiques (provenant surtout de Syrie et de Palestine, où le pharaon avait mené plusieurs campagnes militaires). On s'est longtemps interrogé sur la fonction de cette partie du temple, qui n'a d'ailleurs pas d'équivalent en Égypte; l'hypothèse la plus accréditée serait que les anciens Égyptiens aient voulu illustrer ici l'infinie variété de formes et d'espèces qu'offre la nature, mais en insistant sur l'existence d'un ordre, caractéristique essentielle de l'Univers. À l'est, à l'extérieur de l'enceinte sacrée d'Amon, on peut encore voir les ruines du temple amarnien construit par Aménophis IV Akhénaton avant de quitter Thèbes pour sa nouvelle capitale, Akhet-Aton, l'actuelle Tell el-Amarna.

Si l'on suit l'axe nord-sud, qui croise l'axe est-ouest entre les 3e et le 4e pylônes, on entre dans la "cour de la cachette" : c'est là que l'archéologue français Legrain découvrit, en 1901, une fosse où des prêtres d'Amon avaient dissimulé, probablement à l'époque ptolémaïque, quelque 17 000 statuettes en bronze et 900 autres, plus grandes, en pierre. La "cour de la cachette" est bordée au sud par le 7e pylône, à côté duquel se trouve le lac sacré, symbole de l'océan primordial qui est à l'origine du monde : ses eaux, où nageaient les oies sacrées d'Amon, étaient en communication avec celles du Nil et servaient aux ablutions du clergé et à la navigation des barques divines. Toujours sur l'axe nord-sud, on trouve les 8e et 9e pylônes : on doit ce dernier à Horemheb qui pour le construire réemploya comme matériau de remplissage les magnifiques blocs décorés des temples consacrés à Aton ; depuis 1965, une équipe franco-égyptienne effectue les travaux de consolidation nécessaires pour remonter ce pylône. À l'ouest du 9e pylône se trouve le temple de Khonsou qui, avec ses parents Amon et Mout, formait la triade vénérée à Thèbes. Le 10e pylône est situé sur la muraille elle-même et de là part une allée de sphinx criocéphales qui mène au temple de Mout ; c'est aussi le point de départ d'un autre dromos, longé de sphinx androcéphales, qui relie Karnak et Louxor. Il est bien difficile d'imaginer aujourd'hui la magnificence et la richesse de ce monument, du temps de sa splendeur; le patrimoine du clergé, de plus en plus opulent grâce aux généreuses offrandes faites au dieu dont il était le serviteur, était tout à fait à la hauteur de celui des souverains et parfois même le dépassait ; d'après le Papyrus Harris, sous le règne de Ramsès III le temple employait plus de 20 000 personnes.